Titre

Quel remplissage pour quel traumatisé ?.

Auteur

Dr P. Goldstein

S.A.M.U. Régional de LilleC.H.R.U. – 59037 Lille Cedex France pgoldstein@chru-lille.fr

La prise en charge d’une hypovolémie grave représente pour les équipes de réanimation préhospitalière une urgence quotidienne. Le choc hémorragique est en effet la cause la plus fréquente de décès chez l’adulte jeune dans le cadre de la traumatologie accidentelle. Il convient de distinguer une phase précoce du choc hémorragique où la réanimation est centrée sur le traitement d’une hypovolémie aiguë d’origine hémorragique et une phase tardive évoluant vers des lésions organiques par faillite des mécanismes compensateurs et l’apparition de phénomènes irréversibles. Le but avoué de la prise en charge préhospitalière est bien entendu d’éviter l’apparition de cette défaillance multiviscérale.

La première question concernant le remplissage vasculaire du polytraumatisé ou du traumatisé grave semble alors résolue. Faut-il remplir ? Oui certainement, mais pas n’importe comment et pas n’importe qui. Il n’y a pas un traumatisé mais des traumatisés. Chaque patient mérite une stratégie adaptée.

Aux Etats Unis, non seulement la prise en charge préhospitalière n’est pas médicalisée mais par ailleurs la majorité des traumatismes sont pénétrants. Dans ce cas, chacun est convaincu que la seule intervention efficace est la chirurgie. Le délai entre la survenue du traumatisme initial et l’hémostase chirurgicale doit être aussi bref que possible. En Europe, la majorité des traumatismes sont dits fermés. Dans ce cas la phase de réanimation initiale nécessite plus d’attention car le diagnostic peut nécessiter plus de temps. Un remplissage modéré est souvent nécessaire mais ne doit en aucun cas entraîner de perte de temps. Enfin, il faut individualiser un troisième type de patient qui associe traumatisme crânien grave avec hypotension artérielle par hypovolémie. La perte de l’autorégulation du débit sanguin cérébral et donc de la perfusion cérébrale se traduit par une augmentation de mortalité de 120 %. Dans ce cas précis le message est clair : remplir.

Si la décision de restauration volémique est prise, elle doit donc être mesurée, adaptée et surveillée. Une pression artérielle moyenne de 70 mmHg est suffisante. Les dérivés du sang n’ont pratiquement aucune place dans ce cadre préhospitalier. L'attention va à la volémie et non en première intention à l’anémie car c’est l’hypovolémie qui tue. Les érythrocytes ne sont indiqués que lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur à 7 g/dl ou 10 g/dl chez le coronarien.

Le choix des solutés de remplissage doit être conforme aux recommandations actuelles. La stratégie du remplissage fait donc appel aux cristalloïdes en première intention et en l’absence de choc initial avéré puis aux colloïdes en cas d’échec ou si la pression artérielle est d’emblée inférieure à 90 mmHg. Le choix du colloïde devrait aller le plus souvent vers les hydroxyéthylamidons de bas poids moléculaire en raison d’une sécurité biologique supérieure aux gélatines. Les dextrans quant à eux n’ont à notre sens aucune indication en réanimation préhospitalière et tout particulièrement dans le cadre du traitement du choc hémorragique. Les cristalloïdes hypertoniques à travers des études expérimentales et cliniques semble une voie d’avenir proche, plus particulièrement pour le chlorure de sodium à 7,5 %. Le mécanisme d’action est complexe associant à l’effet de remplissage vasculaire des phénomènes de transfert d’eau vers le secteur plasmatique, une vasodilatation capillaire, une vasoconstriction réflexe et une amélioration de la contractilité myocardique. Les avantages sont un faible volume de perfusion, un coût faible et une diminution de la pression intracrânienne et de l’eau pulmonaire. Il existe expérimentalement une augmentation de la survie. On retrouve cependant dans toutes les études une hypernatrémie et une hyperosmolarité dont les effets délétères peuvent être importants surtout chez les personnes âgées. Il existe donc probablement ici aussi un volume maximum à ne pas dépasser. L’association de solution colloïdales au chlorure de sodium hypertonique permettrait une amélioration nette en terme de survie et d’efficacité hémodynamique. L’utilisation de l’acétate de sodium hypertonique est également une alternative intéressante. Si ce concept du remplissage a aujourd’hui fait la preuve de son efficacité chez le brûlé et le traumatisé crânien, tout particulièrement l’enfant, il faut encore manifester une certaine prudence quant à son utilisation dans le traitement du choc hémorragique non contrôlé dans ce contexte de l’urgence préhospitalière.

Enfin l’aspect le plus novateur et probablement le plus essentiel dans ce cadre du remplissage vasculaire en préhospitalier est certainement l’idée qu ‘ il faut moins remplir. Moins remplir certes mais pas au détriment de l’équilibre hémodynamique du patient et des pressions de perfusion locale tout particulièrement de la pression de perfusion cérébrale. L’utilisation précoce de catécholamines associées au remplissage vasculaire lors des chocs hémorragiques majeurs et rapides est maintenant inscrit dans les algorythmes de réanimation préhospitalières.